La récente contestation des régimes autocratiques au Moyen-Orient, est en grande partie due à la pauvreté, notamment depuis la flambée des prix des denrées alimentaires, début 2011. Depuis les révoltes, beaucoup d’analystes s’interrogent sur l’évolution possible de ces régimes vers une démocratie représentative, mais ils ne doivent pas oublier que l’amélioration des conditions économiques était aussi l’un des objectifs majeurs des résistants qui ont mené ce combat. Cette aspiration ne pourra pas moins rester inassouvie que leur désir de liberté.
La solution pour répondre à ces ambitions économiques passe forcément par une redistribution sociale qui mettra davantage de pression sur des économies déjà assez affaiblies. Et les gouvernements qui sortiront des urnes risquent de décevoir les attentes. C’est sur ce point que la communauté internationale devrait montrer un peu de prévoyance.
Force est de constater que, sans une aide économique extérieure substantielle, les nouveaux gouvernements ne pourront sans doute pas mener les réformes économiques et structurelles nécessaires. Des solutions doivent être trouvées alors que les économies des pays plus riches, surtout en Occident, passent par une phase déficitaire et sont elles-mêmes ralenties.
Cependant, plusieurs options sont envisageables.
Le rôle des pays en surplus et des acteurs régionaux.
La solution d’une aide économique va forcément engager les pays qui sont en surplus monétaire. Les deux grandes puissances que sont l’Inde et la Chine, seront donc tentées pour des raisons commerciales, de remplir partiellement ce rôle de financiers de la région.
Dans la région, les pays exportateurs de pétrole comme l’Arabie Saoudite pourraient apporter son coucours dans le cadre de la ligue arabe, ou indépendamment de celle-ci. Cependant, pour des raisons politiques et parce qu’elle n’est pas exportatrice de produits industrialisés, elle ne pourra pas bénéficier directement de l’ouverture du marché égyptien, et par conséquent ne pas sans doute pas incitée à agir.
Les incidences d’un nouveau pacte de Bagdad.
Cependant les regards vont tout d’abord se tourner chez les Etats voisins. La Turquie, largement exportatrice, est commercialement intéressée d’élargir ses débouchés ; Elle pourrait remplir ce rôle de support financier. Elle a proposé en Novembre dernier de créer une Union Economique et Politique au Proche-Orient comprenant la Syrie, l’Irak et l’Iran. Georges Malbrunot, du Journal, Le Figaro, y voit une hyper puissance qui émergera et s’efforcera de rivaliser avec les desseins commerciaux de pays commercialement agressifs comme l’Inde et la Chine.
La pertinence des propositions françaises.
Pour aider ces pays économiquement, deux initiatives proposées initialement par le gouvernement français peuvent aussi trouver un nouvel élan en fournissant des solutions innovantes.
Le Président Sarkozy a demandé dans un discours à l’ONU, en septembre 2010, à la communauté internationale, de soutenir sans délai, une taxe universelle sur les transactions financières qui pourrait être reversée aux pays les plus pauvres. Initialement proposée par le célèbre économiste Tobin, l’instauration de cette taxe est rendue encore plus urgente par les récents développements au Moyen-Orient : En prélevant un faible pourcentage sur les quatre mille milliards de transactions par jour effectuées sur le marché monétaire international, elle permettrait de dégager, selon une étude diligentée par l’ONU, 30 milliards de dollars par an. Cette taxe, ne coûtant rien aux Etats ni aux contribuables, ne pénaliserait que l’excessive spéculation et permettrait un apport financier viable pour l’essor des économies de ces pays. De nombreux pays comme la Grande Bretagne, l'Allemagne y sont favorables. Les Etats Unis sont encore réticents.
Dans le cadre du G20, Nicolas Sarkozy a aussi annonce qu’il comptait lutter contre l’actuelle volatilité des prix alimentaires. Le Président français a directement attaqué la spéculation sur les marchés financiers et des matières premières; ce qui fut saluée par Robert Zoellick, Président de la Banque Mondiale, à l’occasion d’un article écrit dans le Financial Times du 6 janvier 2011. Devant une assemblée de patrons, de multinationales et de banquiers, lors du discours d'ouverture du 40ème Forum économique mondial, le Président a ensuite déclaré : « Le métier de banquier n’est pas de spéculer mais d’accompagner le développement économique (…) La spéculation est à l’origine des émeutes de la faim »
Enfin, l’Union pour la Méditerranée, ravivée par la Présidence française en 2008, pourrait donner un cadre favorable au développement économique du Moyen-Orient et coordonner des projets d’utilité publique interétatiques ; comme des autoroutes sur plusieurs pays, des ponts, des écoles et autres infrastructures.
Le rôle attendu de l’Union Européenne
Afin d’aider le développement économique des pays du Moyen-Orient, seule une politique favorisant la mise en place d’un marché économique viable aux portes de l’Europe, garantira une stabilité politique, et empêchera les déplacements de réfugiés économiques, dans les vingt prochaines années.
Catherine Ashton, Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la Politique de Sécurité, a déjà fait, elle-aussi, un pas dans la bonne direction en évoquant, en début de la semaine, dans le New-York Time, la mise en place de fonds spéciaux afin de les allouer à des « projets à impact rapide, comme les routes, les écoles ou l’énergie » Mais cela sera-t-il suffisant?
Le rôle clef de l’Occident
Pour participer à la construction des économies des pays du Moyen-Orient et éviter toute dérive radicale, les gouvernements occidentaux doivent, avec la participation américaine, se doter de moyens conséquents et mettre en place des projets d’envergure. Une taxe sur les transactions financiéres au niveau mondial pourrait dégager des fonds importants à redistribuer dans ces nouvelles démocraties émergentes.
Rappelons qu’en 1944, la déclaration de Philadelphie signée par tous les pays adhérant à la l’Organisation Internationale du Travail stipulait que « La pauvreté, où qu'elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous : tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel, dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales. »
N’était-ce pas exactement l’ambition des jeunes tunisiens et égyptiens lorsqu’ils se sont révoltés? Ils sont convaincus qu’ils viennent d’obtenir le droit de vivre dans la liberté et la dignité économique. Ils souhaitent épouser nos formes de développement et de gouvernement. Nous avons des solutions pour les y aider, à l’instar du plan Marshall américain instauré de 1947 à 1951, redressant l’Europe après la Seconde Guerre Mondiale ou du plan d’aide économique fourni par l’Allemagne et l’Union Européenne, aux pays de l’Est à partir de 1989.
par
Brigitte Ades
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